LA CREATIVITE DU FORMATEUR LIMITEE PAR LA "PRESCRIPTION PEDAGOGIQUE"?
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L'augmentation de la qualité des formations se traduit de plus en plus par l'émission d'un cahier des charges de la formation. La formation est ainsi "commandée", "prescrite". Mais cette prescription est-elle illimitée ? ... Du vieux débat entre la prescription, la liberté et la créativité en formation.
DE LA COMMANDE EN FORMATION ET DE SA PRESCRIPTION SOUS FORME DE CAHIER DES CHARGES
Il est à noter que les mises en concurrence et autres appels d'offres se sont multipliés ces dernières années, ce qui est plutôt le gage que l'offre et la demande de formation se rencontrent de manière efficace et efficiente pour correspondre exactement aux besoins en formation. Ainsi, une entreprise, une collectivité, une structure, choisissent d'émettre un cahier des charges dans lequel elles auront préalablement formulé leurs attentes claires et précises quant à la réalisation d'une formation.
Contexte de la formation, objectifs, public concerné, durée souhaitée, résultats attendus, modalités d'évaluation de la formation, constitueront l'apanage de cette feuille de route, contraignant le commanditaire a minima :
- à identifier clairement le besoin en formation,
- à le contextualiser.
Lorsque ce dernier ne sera pas le "copier coller" d'un contenu de formation repéré sur internet - ni trop vague, ni trop évasif - et lorsqu'il permettra aux prestataires de pouvoir établir une mise en lien préalable aux fins d'une reformulation correcte de la problématique et de la demande de formation, cet outil, inspiré des procédures publiques, peut se révéler l'outil sérieux de communication entre commanditaire et commandité sur le besoin en formation et sur l'analyse du besoin en formation.
&DU CONTENU DE LA COMMANDE DE FORMATION
Dans ce souci constant de rendre l'offre de formation plus adéquate au besoin, les cahiers des charges ont ainsi parfois tendance à être de plus en plus précis et détaillé, prenant en compte, par exemple :
- LA DUREE DE LA FORMATION : le commanditaire définit souvent la durée de la formation, et parfois même le découpage de la formation en plusieurs séquences. Ce souci de précision peut être légitimé par des questions budgétaires (formation de courte durée donc coût moins élevé) et le découpage dans le temps par le fait que la formation ne doive pas être vécue trop lourdement par l'apprenant.
- LE PROFIL DE L'INTERVENANT : le commanditaire définit aussi trés souvent dans son cahier des charges le profil requis du formateur, parfois le nombre d'années d'expériences nécessaires dans le domaine déterminé, son lien avec le thème de la formation, ses références (en citant parfois l'ensemble des structures dans lesquelles il est intervenu).
- LE SUPPORT PEDAGOGIQUE DU FORMATEUR : la remise du support pédagogique du formateur est aussi parfois exigée par le commanditaire dans la réponse à un appel d'offres : à bien des égards, cette demande peut paraître surprenante, notamment lorsque le commanditaire ne précise nullement dans les clauses techniques du cahier des charges, quelle sera l'utilisation ultérieurement faite de ce support (même si la réponse du formateur ou de l'organisme de formation n'est pas retenue par l'organisme commanditaire : confidentialité, droits de la propriété intellectuelle...).
- LE SYNOPSIS DE FORMATION : de même, le commanditaire pourra également instamment demander que la réponse pédagogique soit à ce point précise qu'elle devra être présentée sous la forme d'un synopsis reprenant chaque séquence pédagogique, sa durée, les méthodes pédagogiques employées...
- LES METHODES OU L'APPROCHE PEDAGOGIQUE : dans cette même exigence de qualité, il sera demandé au prestataire de décrire son approche pédagogique et les méthodes pédagogiques qu'il utilisera afin de s'assurer que ses méthodes pédagogiques sont bien en adéquation avec ce qui est attendu par le commanditaire en formation.
- LE CONTENU DE LA FORMATION : enfin, et pour terminer, de plus en plus de cahiers des charges vont également décrire le contenu pédagogique attendu de la formation afin d'assurer une parfaite adéquation entre l'offre et la demande.
δDES LIMITES DE LA PRESCRIPTION PEDAGOGIQUE
Sur l'ensemble de ces points, l'intention du commanditaire parait plus que louable. Toutefois, si le contenu du cahier des charges s'avère trop précis, trop détaillé, ne peut-il s'apparenter à une "prescription" trop sclérosante, nuisant autant à la créativité du formateur qu'à la qualité de la formation et aux modalités d'apprentissage ? La précision doit être de rigueur mais la rigidité de l'appel d'offres ou du cahier des charges ne tendra-t-elle à limiter la flexibilité nécessaire à l'apprentissage ?
1 - POSER LE CADRE DE LA DUREE DE LA FORMATION peut en effet permettre d'identifier la durée souhaitée par le commanditaire mais il semble que le découpage dans le temps de la formation relève plutôt du domaine propre du formateur, qui argumentera, dans sa réponse pédagogique, en quoi une inter-session est pertinente, pourquoi et quel sens elle peut revêtir en termes d'apprentissage, à quoi va-t-elle servir, si elle doit être articulée ou non avec un travail de groupe ou un travail individuel et quel sera le laps de temps conseillé pour cette inter-session.
2 - LE SUPPORT PEDAGOGIQUE ou la révélation du sommaire de ce dernier peut aussi permettre au prestataire de vérifier l'un des outils "palpable" de la formation. Mais qui peut arguer que ce support sera fourni en l'état quand les apprenants, motivés dans leurs apprentissages, auront identifié d'autres sources, d'autres documents, d'autres vidéos plus pertinents pour continuer d'explorer la formation ? Quelle considération de ce qu'apporteront les apprenants eux-mêmes ? Quelle considération de la sérendipité en formation ? Que faire des vidéos que le formateur conseillera de consulter parce qu'elles font écho à ce qui a été travaillé pendant la formation, à la demande des apprenants, et alors qu'il n'était pas possible d'y penser avant ?
3 - LE SYNOPSIS DE FORMATION. Qui peut prétendre que ce schéma sera respecté à la lettre ? Qui peut, au risque d'être devin, déterminer par avance que le 1er axe de travail de la 1ère journée aura effectivement bien une durée de 45 minutes quand les apprenants ont identifié que le 1er point méritait une attention toute particulière, parce qu'il est spécifiquement problématique pour eux ?
L'écriture du "synopsis de formation" permettra de s'assurer que la formation reste bien structurée autour des objectifs et des résultats attendus par le commanditaire mais rien n'augure que ce "manuscrit" soit respecté à la ligne près le jour venu, car l'adaptation du formateur, la reconfiguration de certaines parties du contenu de la formation et de certains objectifs pourront faciliter les apprentissages.
4 - L'APPROCHE ET LES METHODES PEDAGOGIQUES. Ne touche-t-on pas là à l'espace de créativité le plus grand pour le formateur ? Certains cahiers des charges demandent une approche de la pédagogie (approche magistrale, exposé, approche interactive...) quand d'autres demandent l'existence d'un quizz, de mises en situation, des études de cas en sous groupe... Le cahier des charges ainsi "exigent" ne prend nullement en considération les choix du formateur et des individus apprenants dans la guidance de leur apprentissage...
La "prescription pédagogique" doit-elle exister dans un cahier des charges ? La description des éléments de contexte, la formalisation du besoin en formation, l'objectif et le résultat attendu au final ne suffiraient-ils pas pour permettre au formateur de concevoir les axes de travail de la formation ?
Formateurs, consultants, vous parcourez et répondez à divers cahiers des charges ou appels d'offres ou mise en concurrence... alors que certains d'entre eux sont tantôt imprécis, tantôt creux, d'autres sont exigents à l'infini... chacun doivent pouvoir permettre de mieux comprendre les attentes du commanditaire et favoriser ainsi la communication commanditaire/commandité... mais lesquels préférez-vous pour vous re-situer dans les apprentissages des futurs apprenants ?
Qu'en pensez-vous ?