PEDAGOGIE, POURQUOI UTILISER LES PEDAGOGIES DITES "ACTIVES" ?

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Lors d'une rencontre récente, une Direction m'a interpellée en me demandant pourquoi je pronais à tous crins l'utilisation des pédagogies dites actives. Loin de moi l'idée de vouloir créer une "dictature" des pédagogies dites actives mais cette interrogation m'a amenée à me réinterroger sur l'adéquation de ces nouvelles pédagogies avec le monde REEL du travail.

"Après tout, vous pourriez leur faire un bon cours de 2 jours, où chacun prend des notes et cela ferait aussi bien l'affaire, non ?"

 

C'est la phrase de conclusion de l'entretien avec mon interlocutrice. J'avais essayé de convaincre cette Direction de la vertu des pédagogies dites actives, mais force est de constater que je n'y suis guère parvenue : naïvement, je pensais que cette vision était acquise pour elle, comme pour bon nombre d'autres Directions que je cotoie, mais la réalité de ses propos m'ont remis en doute quant à la vertu des pédagogies dites actives face à l'environnement professionnel.

Qu'est-ce qu'une pédagogie dite "active" ? : sans vouloir reprendre en ce billet, l'ensemble des théories et mouvements de la Pédagogie (car de nombreuses ressources sont existantes sur la toile), la pédagogie est "active", pour faire simple, lorsqu'elle a pour objectif de rendre l'apprenant acteur de son apprentissage, pour construire par lui-même ses savoir, savoir être, savoir faire... Elle s'oppose aux formes de pédagogies plus traditionnelles où le formateur est un transmetteur de savoirs, sans réelle interaction avec l'apprenant, avec pour but de donner du "contenu". 

Il n'est certes pas toujours aisé de la mettre en action car nous vivons encore dans une génération où de nombreuses personnes gardent pour seule image du savoir, l'Ecole, la Faculté, lieu commun de l'apprentissage non-actif (en tous cas, vécu comme tel de ma part, du haut de ma quarantaine). Et l'échange que j'ai eu avec cette Direction sur l'utilisation des pédagogies actives m'a grandement ramenée à la considération que l'image de l'apprentissage en général, fortement ancrée dans le commun esprit, pouvait bloquer toute réalisation ou construction apprenante de la part d'un formateur, même animé de la plus belle dévotion pédagogique... 

 


L'interrogation de cette Direction appelle l'attitude de certains apprenants qui n'adhérent pas aux pédagogies dites actives.

En effet, l'interrogation de cette Direction rappelle l'attitude déterminante de nombreux apprenants en formation que vous découvrez peut-être vous aussi dans les situations de formation, celles où l'apprenant arrive :

- à la recherche d'informations et de nouvelles connaissances

- espérant que le formateur délivre son Savoir et prescrive des recettes "toutes prêtes" immédiatement transférables en situation professionnelle

- parés pour une prise de note littérale et intégrale, se retransportant ainsi sur les bancs de l'école.

Dans un précédent billet (l'individu, acteur de sa formation, vraiment ?), était suggérée l'idée que majoritairement, au démarrage d'une formation, les apprenants placent directement le formateur dans la posture de SACHANT. Certains arrivent avec des questions bien précises (dont ils auraient pu trouver la réponse sur internet peut-être), des exigences bien définies quant au contenu de la formation, des attentes. D'autres n'ont pas d'idée précise, avouent que la formation est imposée, indiquant qu'ils verront si des questions viendront au cours de la formation. Pour ces apprenants, la posture d'engagement n'est pas trés présente d'emblée mais ils conviennent que la formation aura toujours un bénéfice car le thème est en lien avec leurs préoccupations professionnelles. Des tas de raisons expliquent ce non-engagement, certaines sont propres à l'apprenant, d'autres sont extérieures.

 

Utiliser une pédagogie active dans cette configuration peut mettre la formation en risque, si elle est mal amenée, si elle est mal perçue.

Dans ces contextes, l'utilisation d'une pédagogie active doit être bien amenée par le formateur face à des apprenants qui n'en connaissent ni l'esprit, ni le sens, ou qui peuvent même la ressentir comme "décalée". Voici quelques exemples :

- L'autre jour, une formatrice me demande de préparer la salle de formation, en enlevant toutes les tables. J'avais positionné les chaises en forme de U pour favoriser les échanges. La moitié des stagiaires ont exprimé être déroutés et mal à l'aise, s'interrogeant d'emblée sur le fait qu'ils n'allaient pas pouvoir prendre de notes et que les chaises n'étaient pas équipées de petites tablettes. Malaise de démarrage, mécontentement, déstabilisation, bien rattrapés par la formatrice, les apprenants découvrant qu'ils allaient être actifs et non passifs.

Dans une autre structure, l'utilisation d'un jeu pendant la formation a créé chez certains le sentiment d'être infantilisé. Ce sentiment ne leur a pas permis d'apprendre sur ce moment ludique alors que dans une formation, quand l'intervenante a utilisé le photolangage pour permettre d'exprimer des émotions face à une situation déterminée, un cadre a demandé à quel moment on allait s'arrêter de découper aux ciseaux et de coller, quand les autres salariés étaient preneurs de cette activité.

Dans une clinique enfin, il m'a été demandé récemment de ne pas utiliser de pédagogie trop active car les salariés n'aiment pas trop "être acteurs" (..) d'autant que, dans une précédente formation, l'intervenant les avait trop bousculés. 

Bien entendu, le choix de la pédagogie par le formateur est toujours guidé, au vu de l'objectif de formation à atteindre, du contexte de la formation et de son environnemet professionnel, du public concerné... Son utilisation comporte toujours une fin spécifique. De même, le formateur s'attache à proposer une activité, une méthode pour convier, explique le sens d'un outil ludique par exemple, sans le plaquer. Mais il peut parfois ressentir ou les apprenants peuvent lui faire entendre que cette pédagogie n'est pas adaptée. D'autres voies seront utilisées mais elles convergeront peut-être moins sur la contribution active des apprenants en lien avec les résultats de la formation. 

 

Utiliser une pédagogie active dans cette configuration peut aussi être le révélateur d'un nouvel apprendre, trés enthousiasmant.

Et pourtant, bien d'autres exemples et expériences, vous en avez certainement vécus, invitent à utiliser la pédagogie active, entrainant avec elle, surprises, étonnements, découvertes, revirements, via l'envie d'apprendre.

Ainsi, encore ce soir lorsque j'ai quitté une salle, en fin de formation, une personne m'indique qu'elle n'a jamais vécu une formation comme celle dont elle vient d'être actrice. Elle exprime qu'elle en a apprécié le mouvement et qu'elle se rend compte qu'elle a beaucoup plus appris et compris que lors d'une précédente formation, sur le même thème, qui a consisté à lire un powerpoint. Une autre décrit l'activité de photolangage qui lui a permis de mettre des mots sur une émotion qu'elle n'était jamais parvenue à exprimer.

Dans une autre situation, un apprenant explique que les exercices de mises en situations lui ont permis d'avoir le "déclic", alors qu'il n'avait pas du tout compris les enjeux de la problématique jusqu'à ce moment précis de la formation. Un autre encore décrit qu'il n'avait jamais effectué de formation où il s'était senti acteur, que cela changeait vraiment et que cela le motivait pour apprendre de la sorte et participer à d'autres formations... l'envie d'apprendre....

Pour ces individus, les pédagogies dites actives constituent une autre voie d'apprentissage et peut permettre de renouer avec l'envie d'apprendre par le seul fait d'avoir été acteur. Ainsi les pédagogies dites actives peuvent re-créer une forme d'enthousiasme... enthousiasme, enthousiasme... 

Ces quelques retours, parmi d'autres, confortent aussi dans l'idée que chacun apprend différemment avec des modes d'apprentissages différents et qu'il existe différents styles d'apprentissage.

 

Pourquoi l'apprenant, une Direction, une DRH peuvent-ils être récalcitrants aux pédagogies dites actives ?

Mais alors d'où peut provenir ces résistances aux pédagogies dites actives ? Quelques raisons possibles, sans aucune détention de la Vérité :

-  Les résistances au changement. Classique, le changement, on y résiste souvent, beaucoup de directions ou DRH ne sont pas encore habituées à ce "genre" de formation intégrant une pédagogie active.

-  La formation, assimilée à une transmission de savoirs, souvent par l'écriture. Certaines personnes conçoivent souvent la formation à travers l'écriture, la prise de notes (comme dans le passé scolaire). Cette image reste, selon moi, fortement ancrée dans les "représentations de l'apprendre".

-  Dans l'environnement professionnel, l'humain n'est pas acteur, alors pourquoi le rendrait-on acteur en formation ? Certaines personnes expriment parfois que les pédagogies actives sont en décalage avec le monde du travail, parce que, selon elles, pour réfléchir et avancer, cela passe forcément minimum par 3 heures de réflexion sans pause autour d'une table ; à côté de cette forme de travail, ils considèrent alors que ces pédagogies confinent à l'amusement et à la stimulation, et ne doivent pas être considérées comme une activité de "travail". 

Dans certains modes de management ou d'environnement professionnel, il est trés peu fait appel aux idées des salariés ; les managers de proximité rédigent notes de service et protocoles à appliquer quand le salarié n'est pas habitué à être acteur direct... alors pourquoi en formation, lui demanderait-on d'être acteur ? 

- La formation est conçue comme un moyen d'acquérir des solutions à un problème en premier lieu. De manière générale, la représentation de "ce qui est une formation" paraît en enjeu.

Parfois, pour certains, la conception de la formation est la suivante : pourquoi devrait-on passer par une pédagogie active quand le but de la formation consiste exclusivement à expliquer aux salariés comment ils doivent faire leur travail ? Dans     cette conception de la formation, on vient chercher des informations, des réponses à des questions, des solutions, qui doivent être données par le formateur et, dans cette conception de la formation, si au final ce but n'est pas atteint, on se rend à l'évidence selon laquelle le formateur n'a pas été capable de trouver LA solution au problème posé par une équipe ou au problème posé dans une entreprise. Dans cette représentation de la formation, les individus viennent chercher avant tout une "recette prête à l'emploi," un résultat immédiatement applicable et visible post-formation.

Qu'est-ce qu'une formation ? Une transmission de savoirs et exclusivement une transmissions de savoirs ? Un acte où le formateur doit trouver des solutions pour un ou plusieurs individus et leur livrer ?  

Même motivée, Petite souris ne peut rien face à la Montagne... alors elle s'adapte.... l'adaptation du formateur et des acteurs de la formation consistera toujours le meilleur des boucliers face à la résignation... PEDAGOGIQUE.

Qu'en pensez-vous ?

 

 

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