PÉDAGOGIE, CRÉER LA CONTRIBUTION ACTIVE DE L'APPRENANT

Je terminais cette semaine une formation et je quittais un groupe d’apprenants lorsque, dans la salle voisine, je surpris les échanges entre une formatrice et un conseiller en formation. Cette dernière exprimait son désappointement : « Je suis fatiguée, éreintée : de deux choses l’une, soit ce groupe n’avait rien à dire, il fallait que j’aille les chercher, soit quand il fallait qu’ils m’écoutent, ils ne cessaient de m’interrompre, ce qui me faisait perdre le fil de ce que je voulais leur dire ».

Formateurs, consultants, qu'attendons-nous des apprenants ?

A écouter la suite de cette conversation, je ressentais distinctement l’état de fatigue et de nervosité de cette formatrice mais je ne distinguais pas très exactement ce qu’elle avait attendu des apprenants : elle leur reprochait avant tout leur état de passivité mais lorsqu’ils avaient pris la parole, elle se sentait déstabilisée par leurs propos… difficile à analyser comme situation … Un problème de communication entre eux ? Un problème de posture pour elle ? Son interrogation se situait précisément sur le degré de participation et sur la question de la passivité des apprenants en formation.

La contribution de l'apprenant en formation dépend de plusieurs considérations mais particulièrement, de la représentation que chacun se fait de la formation, apprenant comme formateur en premier lieu.

Dès le démarrage de la formation en effet, chacun peut avoir des regards différents sur ce que représente une formation : certains apprenants viennent chercher des connaissances, d’autres arrivent en découverte lorsque d’autres encore ont des attentes très précises. Certains espèrent du formateur qu’il divulgue son savoir et prescrive des recettes toutes prêtes, d’autres cherchent une part de réflexion ou de recul qu’ils ne peuvent avoir en situation professionnelle, certains s’attendent à pouvoir réaliser des exercices quand d’autres sont prêts pour une prise de notes littérale et intégrale les re-transportant sur les bancs d’une Faculté…

La formation consiste toutefois à démarrer d’un point donné (en termes de connaissances, de vécus, d’expériences) pour progresser, sur une durée impartie, vers un autre point déterminé par l’objectif de formation (en termes de connaissances, de vécus, d’expériences, de pratiques…). Et pour atteindre cet objectif, le formateur devra construire une formation où les progressions de chacun des individus composant le groupe pourront être envisagées en termes d’évolutions sur des savoirs, savoir être ou savoir faire.

Pour envisager cette progression, comment ne pas concevoir que chacun sera "acteur" dans la formation ? Chacun pourra envisager une progression,  à son rythme, en fonction de ses pré-requis, de ses expériences et pratiques préalablement vécues en lien avec le thème de la formation. Chacun sera acteur, dans une moindre mesure, selon la progression pédagogique, les exercices et moyens d’apprendre, qui lui conviendront ou ne lui conviendront que partiellement. Chacun pourra être "acteur", selon sa plus ou moins grande motivation, selon sa plus ou moins grande envie d’apprendre et envie d’être là parmi d’autres apprenants, sur un thème de formation choisi ou imposé.

Nous en convenons tous, chacun peut être acteur de sa formation mais, si j’ai une représentation toute autre de la formation, que je viens de manière imposée car mon employeur a exigé que j’effectue cette formation, sur un thème que je n’appréhende guère car je ne serai réellement en poste que dans 2 mois, que je pense que la formation me ramène sur les bancs de l’Ecole où j’ai vécu tant d’échecs, il n’est pas sûr que je serai d’emblée acteur de cette formation.

 De nombreux paramètres influencent considérablement la plus ou moins grande participation des apprenants en formation.

Après la représentation que les apprenants se font de la formation, le lien créé par le formateur avec les apprenants amènera à faciliter ou non la contribution de l’apprenant en formation.

De manière générale, si le formateur utilise une méthode pédagogique qui ne me convient pas, que je ressens l’ennui très rapidement, que je ne me sens pas concerné par ce qui est travaillé, je ne serai pas très acteur. A l’inverse, si le formateur connaît mon environnement professionnel ou part des exemples vécus par les participants en formation, s’il m’interroge sur la manière dont j’aime bien apprendre, ce qui me plait et me convient moins, si nous pouvons définir ensemble les objectifs à atteindre dans la formation, étape par étape, en partant de mes expériences et de mes connaissances, je serai plus enclin à participer en formation car il me fait sentir que je peux être "acteur" de l’évolution de mes capacités et de ma compétence.

Ainsi, le climat créé par le formateur favorisera ou non l’implication de l’apprenant dans la formation. J’ai ainsi souvent comparé la formation à une partie de tennis : parfois, le formateur lance la balle, elle n’est pas rattrapée par le joueur en face, il y a une faute, les balles sont perdues… et la formation peut ainsi durer longtemps. Il lui faut trouver les moyens de savoir pourquoi le joueur ne peut lui renvoyer la balle : sa raquette est cassée, il n’a peut-être pas compris la règle du jeu, sait-il jouer, est-il d’accord pour jouer avec moi, a-t’il la même raquette que moi et la mienne est-elle adaptée ? Au-delà du questionnement de l’adaptabilité en formation, il s’agit bien là de la question de l’inter-activité en formation.

Mais si nous communiquons bien ensemble, je peux l’entendre et m’adapter, et lorsqu’il me renverra la balle, je pourrai à mon tour la lui ré adresser et nos gestes et pratiques s’affineront mutuellement.

Mais si je décide de lui transmettre mon Savoir, et que j’attends de lui qu’il le respecte à la lettre, que je ne prends pas la peine de contrôler si sa compréhension est existante, adaptée à son niveau et que je le transmets sans m’assurer qu’il convient à son environnement professionnel, je ne peux être en droit d’exiger de sa part une contribution active, ma réalisation est antinomique avec ce que j’attends de lui.

A côté du climat créé par le formateur, les méthodes pédagogiques utilisées et proposées par le formateur pourront ou non favoriser la contribution active de l’apprenant. En proposant un exercice d’application, en invitant les stagiaires à réfléchir, en leur demandant de créer une action pendant la formation, je peux favoriser leur esprit d’initiative et leur créativité. Je peux travailler toute un après midi sur des mises en situation et jeux de rôle et je m’apercevrai que les apprenants auront progressé dans leurs acquis en étant acteur pendant la formation ; mon rôle aura été tout à fait différent pour parvenir à un résultat certainement moindre si j’avais commencé, après le repas, par un exposé d’une heure sans leur demander de m’interrompre : leur attention aurait diminué, je les aurais « perdus ». En étant dans l’action, ils ont compris le même message et j’ai plus de chance qu’ils s’en souviennent car la mise en situation a aussi activé leur mémoire, grâce à ce mouvement.

En résumé, lorsque les stagiaires ne sont pas très actifs dans une formation, l’environnement extérieur de la formation a pu contribuer à cette passivité et en tant que formateur, je n’aurai que très peu de prise sur ce paramètre. Lorsque les stagiaires ne sont pas très actifs dans une formation, je peux tenter toutefois de rendre l’apprenant "acteur" et favoriser sa contribution active en créant un climat propice pour son apprentissage et en utilisant des méthodes pédagogiques où il est acteur, autonome, où il possède une part d’initiative.

En entrant en relation avec lui et en cherchant ce qui l’intéresse, tout en restant dans le cadre de la formation, en étant à l’écoute de l’Autre et en comprenant l’Autre, je vais pouvoir me servir de mes qualités humaines pour pratiquer l’Art de créer la contribution active de l’apprenant.

Je pourrai exceller dans la maitrise de cet Art si je comprends que chacun des individus qui compose le groupe est différent, dans sa manière d’être, dans sa manière d’apprendre, que leurs niveaux de connaissances sont différents et que leur motivation à la formation sont très hétérogènes. Plus mes qualités humaines de respect des individus, de tolérance seront élevées, plus je pourrai tenter d’élever chacun vers sa contribution active à la formation.

La représentation que l'apprenant se fait de la formation, le lien créé par le formateur, les méthodes pédagogiques utilisées par le formateur, pourront en partie expliquer la plus ou moins grande contribution de l'apprenant, au-delà de l'ingrédient majeur, sa motivation (voir aussi, "Pédagogie, l'art de donner l'envie d'apprendre").

      

Comment favoriser la contribution active de l'apprenant ?

Dans la relation pédagogue-apprenant, transmettre un savoir n'est pas tout.apprenant peut par exemple être favorisée par :

- le respect des rythmes d'apprentissage, et non pas le respect d'un programme, d'un timing, ou d'un contenu pédagogique à tout prix

- l'attention à l'Autre et la recherche de ce qui peut l'intéresser pour mieux apprendre, car ce qui est forcé est souvent rejeté tôt ou tard,

- par le fait de proposer de manière humaine,

- de valoriser à sa juste mesure,

- de favoriser autonomie et liberté de l'apprenant, dans un cadre défini

- d'envisager la créativité comme mode de transmission

- d'expliquer le sens de la formation, d'un parcours

- de contractualiser aussi certains pans ou objectifs de formation pour créer une adhésion, lorsque le cadre de formation le permet.

Je n’omettrai pas non plus que chacun est capable d’apprendre et qu’en notre ère, les individus se révèlent de plus en plus capables d’apprendre en auto-formation, notamment par la voie d’internet et des réseaux sociaux et que les savoirs peuvent avoir tendance à s’acquérir de plus en plus d’une manière informelle, en dehors de l’entreprise, en dehors du champ de la formation. C’est en faisant confiance à l’apprenant et en lui permettant d’établir une confiance en lui que les voies de l’apprentissage peuvent peut-être aussi se révéler...

 

Un billet PedagoForm pour prendre du recul, sans prétention aucune de la Vérité... Avez-vous une contribution à apporter ? Qu'en pensez-vous ? Vous pouvez écrire un commentaire ici bas.

Par ailleurs, pour les besoins d'un prochain billet PedagoForm : quelles sont, selon vous, les qualités humaines à déployer lorsque l'on est formateur ?

 

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