PEUT-ON SE FORMER SEUL ? - Apprentissage numérique et autoformation

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PEDAGOGIES, APPRENTISSAGE ET APPRENANTS

Peut-on se former seul ? Peut-on apprendre seul ? Ce mode de formation est-il possible pour tous ou ne convient-il qu'à certains individus capables de se concentrer et trés enclins sur leurs modes de ressources internes ? 

De nos jours, l'utilisation d'internet et des nouvelles technologies dans les apprentissages (les apprentissages numériques) entraîne-t-elle l'augmentation du nombre de personnes se formant seules ?

 


J'apprends seul : autodidaxie ou autoformation ?

Si j'apprends seul et que je me forme seul, je suis certainement autodidacte... mais peut-être pas tout à fait.

En autodidaxie, l'apprenant se forme en dehors de toute institution éducative, en dehors de tout accompagnement. L'autodidacte est souvent présenté comme une personne solitaire, mais de nos jours, ce caractère semble disparaître car cet apprenant, au contact des réseaux sociaux (informations en ligne, blog, twitter, facebook, partage en termes d'apprentissage...), n'est plus du tout isolé : en partageant avec d'autres, l'apprenant peut trés vite intégrer la sphère de "l'autoformation".

En autoformation, l'apprenant se forme par lui-même, dans un cadre : l'autoformation consiste à se former soi-même, chez soi, dans un système éducatif ou dans des groupes sociaux. L'individu reste toutefois le principal responsable des paramètres de la formation : il gère son temps, les lieux de sa propre formation, il construit ses données, sources et outils d'apprentissage lui-même.

Les apprentissages par soi-même sont riches car l'intention d'apprendre y est forte (à l'inverse d'une formation qui me serait imposée par exemple), le choix des sources sera auto-dirigé, le bénéfice retiré par cet apprentissage est souvent excellent ; il est forcément personnalisé et adapté ; enfin, il est d'autant plus savoureux par la réussite de se dire que l'on a comblé soi-même son attente et que l'on y est parvenu.... "Ce que l'on apprend le plus solidement et ce que l'on retient le mieux, c'est ce que l'on apprend en quelque sorte par soi-même" - Kant (1803) - Traité de Pédagogie.

Mais alors, avez-vous déjà appris par vous-même ? Vous êtes-vous déjà auto-formé ? Cela est fort probable car l'auto-formation semble augmenter de nos jours par l'utilisation d'internet, source de "savoirs".

 

Un regain pour l'auto-formation de nos jours ?

L'idée d'apprendre par soi-même est ancienne (autodidaxie) mais la notion d'autoformation prend depuis plusieurs années un essor nouveau à l'heure où l'on apprend de plus en plus en e-learning, à distance, ou dans le parcours suivi d'une formation individualisée. Les raisons en sont diverses :

- l'utilisation augmentée de la ressource internet permet d'accéder à des connaissances seul pour les mettre en pratique individuellement ;

- les méthodes pédagogiques replaçant l'apprenant au centre du dispositif et la personnalisation des apprentissages se sont multipliées ;

- puis le renforcement des organisations du travail prônant plus d'autonomie, plus d'initiatives, plus de responsabilités y contribue certainement aussi.

 

Mais à partir de quand l'autoformation existe-t-elle exactement ?

De tout temps, si vous lisez un ouvrage, un manuel, sur un thème en lien avec un de vos centres d'intérêt, vous apprenez, n'est-ce pas ? Je lis un manuel de mathématiques, j'apprends, je lis un ouvrage sur la littérature française, j'apprends, je parcours sur internet des documents sur la vie en Afrique, j'apprends. Suis-je pour autant en auto-formation ? A partir de quand l'autoformation existe-t-elle ?

Lire, se documenter, faire une recherche via google me permettent-ils de me former ? A ce stade, j'accède à des informations, mais est-ce que j'apprends ? Ne convient-il pas de nos jours de bien faire la différence entre "accéder à des informations" et "apprendre" ou me former ?

Ainsi, dans un article récent, Mathilde Bourdat invite à bien faire la distinction entre "apprendre", notamment par soi-même, et "accéder à une information" : "(...) dans de nombreux messages contemporains sur 'l'apprendre", tout est mis sur le même plan, comme si il suffisait d'avoir accès à l'information, si possible sous une forme ludique et plaisante, pour apprendre. Or, la définition de l'apprendre inscrit l'acte d'apprendre dans un projet de faire sens et de ré-utiliser (...).

Faire des liens, reformuler, croiser les informations, pour faire émerger un sens nouveau : rien de cela n'arrive par hasard, au fil d'un balayage en mode "attention flottante" d'un flot d'informations. Entre "accéder à l'information" et "apprendre", il y a un acte mental qui s'inscrit dans la durée. Et si je ne dispose pas en moi de savoirs, rien ne me permettra d'apprendre à partir du journal financier, de l'aquarium, de la carte du ciel (...)"... mais peut-être déjà de comprendre.

Dans cet article, "Qu'apprendre au 21ème siècle ?" ,, Mathilde Bourdat reprend la définition de l'apprendre à apprendre : apprendre, c'est comprendre, c'est-à-dire donner à une situation un sens qui permette d'agir pour résoudre, si possible de façon pertinente,  le problème posé par la dite situation :

  1. C’est acquérir des capacités
  2. C’est intégrer des schèmes (des actions intériorisées) nouveaux à sa structure cognitive. Le schéme étant une «action intériorisée», une structure d’actions répétables dans des circonstances semblables ou analogues » (Piaget).  
  3. C’est modifier ses représentations.

 

La notion d'autoformation intégre par conséquent un mode d'apprentissage et non une simple compilation des informations captées. 

Le risque de compiler des informations et de ne faire que cela est récurrent lorsqu'on se frotte des heures durant à la toile : n'avez-vous pas vous-même récemment expérimenté les réseaux sociaux à cette fin ? Personnellement, lorsque j'ai ouvert un compte twitter, j'ai trouvé une mine d'informations toutes plus intéressantes les unes que les autres sur mon terrain d'exploration favori et j'ai commencé à compiler toutes ces "sources" me concoctant ainsi mes "ressources" propres via un nouvel apprentissage (des articles, des vidéos courtes, des e-learning gratuits).

Mais, au bout de plusieurs semaines, je me suis aperçue, malgré le classement que j'avais envisagé pour cette compilation de sources, que je tournais un peu en rond, tout simplement parce que je ne m'étais pas accordée de temps pour les intégrer et que je n'avais pas eu d'opportunités pour mettre en parrallèle ces nouvelles informations précieuses avec ma réalité : je captais des informations mais je ne les assimilais pas, donc je n'apprenais pas ; à tout le moins, je les saisissais et les comprenais.

On a peut-être tendance de nos jours à omettre que "capter l'information" n'est pas "apprendre" ; et la confusion entre ces deux notions paraît existante : la compacité et le nombre d'informations récoltées ne mènent pas directement à l'apprentissage. Certains l'oublient peut-être : "trop d'infos tuent l'info" - la quantité d'informations n'augmentent pas l'apprentissage et rappelons nous "mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine".

L'auto-formation doit par conséquent être bien distinguée de l'auto-information.

Le processus d'intégration des informations ne sera favorisé que pour ceux d'entre nous qui ont de bonnes ressources internes et si la captation d'informations à titre personnel est elle-même intégrée dans un autre processus d'apprentissage.

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Quelles sont les bonnes conditions pour se former seul ?

- De bonnes ressources intra personnelles.

On peut supposer qu'une personne qui a une bonne connaissance d'elle-même, qui connaît bien ses forces, ses faiblesses, ses capacités et limites d'apprentissage, se re-situera trés clairement en autoformation : une personne qui aime la solitude, qui sait bien se motiver personnellement, qui sait bien tirer parti de ses expériences, qui prend du recul en sachant  réfléchir sur ce qui a bien marché et comment améliorer ce qui a moins bien marché, qui prend le contrôle de son apprentissage en se donnant des buts. C'est ainsi que, plusieurs années en arrière, on pouvait apprendre ou acquérir un diplôme à distance, en recevant ses cours par voie postale et par une correction de ses devoirs et exercices par un professeur qui effectuait lui aussi ses commentaires par voie postale... au vieux bon temps où internet n'existait guère.

- La multiplication des voies d'apprentissage.

De même, multiplier les voies d'apprentissage favorisera une auto-formation. Si par exemple, je capte dans un ouvrage sur l'Afrique ou sur sur un site internet spécialisé, un tas d'informations sur la cuisine en Afrique, que je synthétise sous forme de fiches, que je regarde ce soir un documentaire sur Arte me faisant découvrir la cuisine en Guinée, que je discute le lendemain avec un stagiaire qui a vécu de sa naissance à ses quinze ans au Gabon en lui demandant une recette de sa grand mère, que je cherche d'improbables ingrédients le lendemain dans une épicerie pour tester la recette le soir-même, recette que je teste effectivement réellement dans ma cuisine ... et qu'à chaque fois je me sers de ma fiche pour re-situer certains points, les confirmer, les infirmer, en ajouter de nouveaux, je multiplie les apprentissages : lecture, visuel, échange à l'autre et je conforte les premières informations que j'ai saisies, commençant ainsi le processus d'intégration de l'information. 

Ainsi, si le but (formulé généralement) de mon auto-formation était "mieux connaître la cuisine africaine", je commencerai mon auto-formation car, sur la base d'une information captée, je multiplierai plusieurs voies et canaux d'apprentissage sur la même information.

- L'intégration de l'auto-formé dans un processus d'apprentissage.

L'autoformation est réelle et favorisée si elle s'inscrit aussi dans un cadre, il s'agit de la définition-même de l'auto-formation : elle existe à partir du moment où l'apprenant inscrit son apprentissage au sein d'une institution (organisme de formation, école ou réseau social).

C'est le propre, par exemple, de la formation à distance, de l'e learning, de l'alternance entre formations en présentiel et formations e-learning, où l'apprenant est, le plus souvent, libre dans la gestion de son temps et de son espace, tout en étant "tutoré" et "suivi" par un formateur, alternant temps personnel et individuel puis temps de formation avec le formateur. Apprendre seul, devant son écran, sans ces partages, s'avèrera compliqué.

De même, lorsque vous captez des informations sur internet, seul, vous captez ces informations mais peut-être n'êtes-vous pas encore dans une phase d'apprentissage et d'intégration de l'information. Alors qu'à l'inverse, sur un réseau social, lorsque vous partagez des informations avec d'autres, vous commencez peut-être à apprendre et à vous former car vous inscrivez cette information captée dans un partage et que vous initiez de la sorte, l'intégration de l'information.

En tout cas, par ce nouveau biais, peut-être découvrez-vous, qui sait, en même temps, une nouvelle forme d'apprentissage...

 

Capter des informations sur internet puis se former seul sur internet : un nouvel apprentissage ?

Rappelons bien ce qui est posé plus haut : la distinction entre l'auto-information et l'auto-formation s'effectue par l'acte d'apprendre. 

Siemens et Downes ont alors développé une nouvelle théorie de l'apprentissage en lien avec les informations numériques : le connectivisme.

Cette théorie est basée sur l'apport des nouvelles technologies et explique les effets de la technologie sur les individus (leur façon de communiquer, leur façon d'apprendre). Elle est à mettre en lien avec l'expérience de Sugata Mitra, qui a mené une expérience de 10 ans, démontrant que les enfants sont capables d'apprendre seuls, sans professeur, par eux-mêmes, avec un ordinateur, internet, et des supports de cours (cliquer ICI pour voir une vidéo d'explication - 1ère vidéo de cet article).

Le connectivisme repose sur plusieurs principes essentiels et notamment, le fait que de nouvelles informations sont constamment acquises. La capacité d'établir des distinctions entre l'information importante et sans importance y est vitale ainsi que la capacité de reconnaître quand de nouvelles informations modifient le paysage en fonction des décisions prises. Connaissez-vous le connectivisme ? Voici un article pour appronfondir cette notion si vous le souhaitez.

Toutefois, il es tà noter que les fondements de cette nouvelle théorie d'apprentissage sont remis en cause par d'autres qui ne voient dans le connectivisme qu'une "vue pédagogique" : la manière d'apprendre ne serait alors pas impactée par l'utilisation des nouvelles technologies et nous apprendrions par conséquent de la même manière, selon les mêmes canaux d'apprentissage ... mais simplement avec de nouveaux supports.... à méditer.

 

Qu'en pensez-vous ? 

Pour continuer, quelques autres billets...

La technologie doit-elle préfigurer la pédagogie ?

E-savoirs, e-apprentissages : les savoirs sont-ils différents avec les nouvelles technologies ?

E-savoirs, e-apprentissages, nouvelles technologies : de l'universalité

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